Lettre d'information n°5 - 26 septembre 2007. |
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Cette première lettre d’information de la rentrée, nous souhaitons la dédier à trois proches de l’Institut qui nous ont quittés au cours de l’été : Marcel Deprez, Edmond Dubrunfaut et Marcel Baiwir. Trois militants aux parcours croisés qui par leur engagement, leurs apports divers à notre combat quotidien en faveur de la préservation de l’histoire ouvrière et leurs marques régulières de confiance et de soutien ont marqué durablement l’histoire de l’IHOES.
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Marcel Deprez Marcel Deprez fait partie intégrante de cette histoire qu’il a contribué à forger. Son parcours en faveur de la liberté et de la justice est connu de tous : militant communiste dès 14 ans, il prend une part active dans la lutte contre le fascisme en Espagne d’abord où il s’occupe d’enfants espagnols, dans son propre pays ensuite où il combat le rexisme et la Légion nationale, s’implique dans la presse clandestine et prend les armes comme commandant d’un groupe de résistants armés en Ourthe-Amblève. Après la guerre, il poursuit ses études d’histoire interrompues en raison des hostilités et se lance dans une thèse de doctorat sur l’évolution des prix et des revenus dans la Belgique du début du XIXe siècle. Son combat en faveur de la « résistance permanente », il le poursuit sur le plan pédagogique et culturel, persuadé que la culture est un des meilleurs remparts contre l’injustice et l’oppression. À travers ses diverses fonctions (il fut entre autres l’un des fondateurs de la direction générale de la culture de la Communauté française), mais aussi à travers sa participation active au monde associatif, il a toujours eu à cœur de promouvoir l’éducation permanente et la culture populaire. Un tel parcours, retracé certes de manière très schématique, ne pouvait qu’amener Marcel Deprez à croiser un jour le chemin de l’Institut... Aux côtés de son frère René, il figure parmi les premiers à s’investir dans le projet fou de Michel Hannotte de constituer un centre dévolu à la préservation de la mémoire ouvrière et de ses luttes. Il est surtout l’une des chevilles ouvrières de son développement : par les dépôts qu’il parvient à lui obtenir (les inestimables fonds d’anciens résistants bien sûr, mais aussi les archives de Canal Emploi ou fonds Léon Koenig), par sa fonction de Président de l’Institut surtout. Il assume cette fonction pendant plus de deux décennies et prend ainsi une part active à l’obtention de la double reconnaissance de l’IHOES par la Communauté française en tant que service d’éducation permanente (en 1992) et centre d’archives privées (en 1996). Le 2 octobre prochain à 19h30 aura lieu, à l'Espace Rencontres de la bibliothèque des Chiroux, une soirée d’hommage à cet homme d’exception. Nous invitons tous ceux qui l’ont connu à nous rejoindre pour commémorer sa mémoire. Réservation au 04/330.84.28. | |
Edmond Dubrunfaut Edmond Dubrunfaut est décédé quelques semaines à peine avant son ami Marcel (qui lui a d’ailleurs consacré un des derniers textes qu’il ait écrit). Artiste multiple, il a mis ses talents plastiques au profit de son engagement. Ses œuvres (tapisseries, peintures, dessins, aquarelles, céramiques...) questionnent notre quotidien, mettent en scène le monde du travail (la mine, le travail de la terre...) sans fermer les yeux sur ses travers (il est l’un des rares artistes à aborder la question du chômage et des accidents de travail), dénoncent la barbarie de la guerre et témoignent de l’amour de Dubrunfaut pour la nature dont il excelle à célébrer la beauté. Son engagement le pousse à rendre l’art accessible à tous. Aussi, il s’associe en 1947 avec Roger Somville et Louis Deltour pour créer le groupe Forces murales. Ces mêmes préoccupations se retrouvent dans le Collectif Cuesme 68 qu’Edmond Dubrunfaut crée après la dissolution de Forces murales en 1959. Il participe ainsi à de nombreuses œuvres murales qui vont à la rencontre de tous les publics et ornent hôpitaux, stations de métro, réfectoires d’écoles et même le Palais de Justice de Bruxelles. En 2003 et en 2006, Edmond Dubrunfaut a fait don à l’Institut d’une série de dessins, de lithographies, d’aquarelles, de cartons de tapisserie et de peintures créées entre 1945 et 1999. Toutes techniques confondues, il s’agit de plus de 330 œuvres de l’artiste ou du mouvement Forces Murales. Ce fonds inventorié permet de mettre en évidence les différentes techniques picturales et les approches stylistiques et thématiques inhérentes à l’évolution de la création de l’artiste. Depuis plusieurs années, l’IHOES travaillait avec Edmond Dubrunfaut sur un projet d’exposition autour de Forces murales. Le hasard a voulu que de manière concomitante à l’annonce du décès de l’artiste, ce projet a connu des avancées concrètes significatives. Nous espérons pouvoir vous livrer des informations plus précises sur cet événement dans notre prochaine lettre d’information. | |
Marcel Baiwir Avec Marcel Baiwir, c’est un des doyens des militants communistes de la région liégeoise qui s’est éteint, et avec lui une vie de combats. Son engagement politique, Marcel Baiwir l’a bu avec le lait du biberon pourrait-on dire. Il naît, en même temps que la Révolution russe, dans une famille nombreuse marquée par la figure d’un grand-père anarchiste et dominée par la personnalité d’une « mère courage » militante. Il a à peine 15 ans lorsqu’il adhère aux Jeunesses communistes, alors que se déroule la grève des mineurs de 1932. Il restera attaché au Parti communiste jusqu’à sa disparition, tout en étant un ardent défenseur de l’unité des communistes (notamment du rapprochement entre PTB et PC). Très rapidement, Marcel Baiwir ressent le besoin de s’impliquer, de recourir à la lutte active : contre le fascisme d’abord qui le pousse à 19 ans à s’engager dans les brigades internationales lors de la guerre d’Espagne, puis contre l’occupation allemande en Belgique. Il participe ainsi à la grève des 100 000 avant d’entrer en clandestinité et de rejoindre les Partisans armés. Arrêté en 1943, il est incarcéré au Fort de Huy avant d’être envoyé dans les camps de la mort (Vught, Sachsenhausen et Mauthausen) dont il reviendra avec une inextinguible soif de transmettre son expérience aux autres, avec une volonté ravivée d’être un « homme libre ». Cette volonté s’incarne alors dans une autre forme de combat : la lutte syndicale. Engagé à Ougrée-Marihaye après la guerre, il est à la pointe des combats contre l’injustice sociale et l’oppression. Devenu délégué syndical de Cockerill (il sera à la fin de sa carrière vice-président de la FGTB), il forme toute une génération de militants à Cockerill en leur inculquant ce regard critique sur toutes choses. Car ne nous y fions pas ! De ce petit homme tout mince émanait une aura et une force de persuasion redoutable, nourrie par une énorme culture politique. Le tout lié à une énergie stupéfiante qui l’a poussé, lors des législatives de juin 2007, à se présenter sur les listes du PC et à être le doyen des candidats ! Marcel Baiwir était un passeur : ceux qui l’ont côtoyé ont tous gardé de lui ce petit quelque chose qui les grandit. | |
Activités de l’Institut Nouvelles acquisitions et nouveaux inventaires Depuis juin dernier, les collections de l’IHOES se sont encore accrues par l’acquisition d’une série d’une dizaine de très belles affiches (datant des années cinquante) relatives à la sécurité dans les charbonnages. Notre bibliothèque s’est quant à elle enrichie de quelques centaines d’ouvrages : outre les livres et nombreux périodiques récents offerts par Richard Joris sympathisant fidèle de l’Institut, nous avons ainsi collecté une série d’ouvrages rédigés à la fin du XIXe et au début du XXe siècle par Edgard Milhaud, professeur d’économie à l’université de Genève, fondateur en 1908 des Annales de l’économie collective et, en 1947, du Centre international de recherches et d’information en économie collective (Ciriec). Enfin, nous avons acquis le fonds Georges Widart, du nom d’un militant atypique de la région de Couvin. À la fois prêtre et trotskiste (cofondateur des Prêtres engagés politiquement), enseignant et syndicaliste, Georges Widart s’est, dès les années soixante engagé dans le combat en faveur de la cause palestinienne, aux côtés de son ami Naïm Kadher, le représentant de l’OLP en Belgique, assassiné en 1981. Ce fonds, ainsi que les ouvrages d’Edgard Milhaud, ont été catalogués et encodés dans notre programme Pallas. Au cours de l’été, nous avons également encodé les livres relatifs aux coopératives que nous conservions. Deux nouveaux inventaires sont désormais consultables sur le site de l’Institut : les archives de Willy Peers (5 mètres) et le fonds Van Lierde qui regroupe des documents relatifs aux mouvements pacifistes, aux marches antimissiles des années 1970-1980 et aux réactions au conflit yougoslave. Étude sur les archives charbonnières en Wallonie En juin, nous évoquions l’étude consacrée aux archives charbonnières que l’Institut mène actuellement à la demande de la ministre de la Culture, Madame Fadila Laanan. Nous tenons tout d’abord à remercier toutes les personnes qui sont entrées en relation avec nous. En effet plusieurs particuliers nous ont confié des photographies ou documents concernant l’histoire sociale (représentant, par exemple, des logements de mineurs) qui complètent nos collections. D’autre part, les contacts pris avec les professionnels de la documentation ont permis d’améliorer notre connaissance relative à la conservation des archives charbonnières en Communauté française. Nous fournirons dans notre prochaine lettre un résumé de notre étude. Malheureusement, il apparaît dès à présent que pour beaucoup de charbonnages wallons, il n’existe plus assez de documents permettant d’en retracer l’historique. Néanmoins, de nombreux plans, dossiers ou photographies se trouvent encore chez des collectionneurs et il sera nécessaire de veiller à leur sauvegarde. Enfin, il ressort de cette étude que de nombreux centres d’archives s’occupant de charbonnages sont intéressés par des synergies entre eux. Analyses en ligne Découvrez enfin notre dernière analyse en ligne : Le peuple serait-il devenu impopulaire et l’éducation populaire ringarde ? Dans ce texte, qui paraîtra dans le prochain numéro de Politiques, Jean-Pierre Nossent retrace les prémices de la notion d’éducation permanente et s’interroge sur sa place et son actualité dans notre société. | |
Suggestions de sujets de recherche à mener sur base des collections de l’Institut La rentrée académique est souvent synonyme pour les étudiants de licence en histoire avec le choix du sujet de leur mémoire. Afin d’aider ceux d’entre eux qui n’auraient pas encore déterminé leur sujet ou de manière plus générale tout chercheur souhaitant trouver des thèmes à aborder, l’Institut a décidé de créer sur son site une nouvelle rubrique comportant des suggestions de sujets pouvant être traités sur base de ses collections. | |
Institut d'Histoire ouvrière, économique et sociale
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